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Au lendemain de Leipzig, les événements se répètent ! Car, plutôt que de méditer sur de brillants actes de bravoure, il faut s'intéresser en priorité aux dures lois de la géopolitique. Car, en dépit de son génie militaire, Napoléon ne peut plus l'emporter. Même s'il parvient encore, certes péniblement, à incorporer des hommes, les fameux Marie-Louise, il doit surtout faire face à une double pénurie, celle des chevaux et celle des fusils. Elle lui sera fatale comme elle a failli l'être avant Leipzig.
Les années de guerre, et plus particulièrement la désastreuse campagne de Russie, ont épuisé les campagnes françaises et appauvri le cheptel. Il faut du temps pour faire naître et former un cheval : la nature n'obéit pas aux hommes, si grands soient-ils. Les cavaliers français de 1813 sont bien mal montés... quand il le sont ! En 1814, ceux qui le sont encore le doivent pour l'essentiel aux montures confisquées aux étrangers qui servaient encore dans les débris de la Grande Armée, des montures souvent bien fatiguées.
Quant aux fusils, les magasins n'en disposent plus guère. Et, là encore, il faut du temps pour en produire -- du temps, des ouvriers compétents, des ateliers équipés et des moyens d'acheminer ces armes vers le front, ce qui est difficile lorsqu'on ne dispose pas des chevaux nécessaires. La lecture des ordres répétés de l'Empereur, cherchant le moyen de réunir quelques centaines d'armes quand il en aurait fallu des milliers, est de ce point de vue édifiante.
L'autre élément déterminant est à rechercher du côté de la population. Lassée après tant d'années de guerres et de privations, inquiète de l'arrivée des coalisés, elle n'est plus disposée à fournir ses forces pour la défense de la nation. Dans ces années difficiles, où chaque famille a perdu au moins un homme au combat et où l'agriculture manque cruellement de bras, l'appel de l'Empereur n'a guère de chances d'aboutir. D'ailleurs, au fur et à mesure de l'avancée des alliés, la population n'hésitera pas à ouvrir les portes des villes et à acclamer l'ennemi. C'est le cas presque partout, sauf, peut-être, dans le grand Est, seule région à fournir des partisans et à pratiquer, timidement tout de même, le harcèlement des envahisseurs.
Ce bilan ne serait pas complet si l'on ne tenait pas compte des événements qui précipitent le destin : le typhus et les dysenteries qui frappent les rescapés de Leipzig, la collusion des Suisses avec les coalisés qui permit à ces derniers de contourner les places fortes françaises, l'inévitable "trahison" de la Bavière, la perte de la Hollande, le retournement de Murat et les revers subis par les maréchaux sur leurs théâtres d'opérations respectifs. Comment, dès lors, ne pas admirer la brillante tactique de l'Empereur à Brienne-le-Château et ne pas recevoir avec fatalisme l'inéluctable défaite de La Rothière ? Cette campagne de France est décidément une page formidable et une source inépuisable d'étonnements !