Ce que l'histoire nous enseigne, c'est aussi que les armées les mieux préparées, les mieux équipées ne peuvent faire face à tous les imprévus. C'est ce qui arrive lorsque les légions de Varius sont surprises dans la forêt de Teutobourg par les hordes germaines. Habitués à manoeuvrer dans l'ordre et la discipline, les Romains ne peuvent opposer la même cohérence lorsque l'étroitesse des lieux ne leur permet pas de profiter de leurs avantages. Leur extraordinaire maîtrise des armes de jet -- voir l'article de Damien Deryckère -- ne pouvait hélas leur être utile et la défaite fut rude avec 20 000 tués et trois Aigles aux mains de l'ennemi. Teutoburg est de ces batailles qui modifient profondément la donne ! Il en est de même avec la légendaire bataille de Kadesh qui ouvre ce numéro de Prétorien. Longtemps, les Egyptiens se sont frottés aux redoutables Hittites, si bien que la victoire inespérée du jeune Ramsès II entra très vite dans la légende. Tirant intelligemment profit de son avantage, le roi conclut avec son adversaire d'hier le premier traité de paix de l'histoire qui lui garantira de longues années de calme. La situation est plus classique à la fin du IVe siècle avant J.-C. lorsque la conquête de la Macédoine met fin une première fois à l'indépendance politique des cités grecques -- voir l'article de Frédéric Bey sur la ligue achéenne. Sûrs de leur force, les Romains n'ont pas à faire preuve de la même ouverture d'esprit lorsque, deux siècles plus tard, les Macédoniens se soulèvent. Profitant de leur avantage, les Romains écrasent leurs adversaires et, pour créer un exemple, détruisent de fond en comble la ville de Corinthe. A la fin de la période des croisades, lorsque les Chrétiens tentent de se maintenir en Terre sainte, Henry III et Louis XI sont confrontés à la révolte du sénéchal Simon de Montfort et d'une grande partie des barons -- voir l'article de Philippe Lamarque. Cette fronde aurait pu se terminer très mal et le droit ne triomphe que difficilement de cette mauvaise passe. Pas assez forts, les royaumes moyenâgeux ne peuvent appliquer la rigueur romaine et préfèrent la mansuétude égyptienne pour tenter d'oublier la félonie. Au total, ce numéro de Prétorien livre une fois de plus un regard passionnant sur les stratégies guerrières dans l'histoire.